Remonter ]

Nous terminerons cet exposé en examinant une inscription découverte en 1987 (réf. M.L.H. J.25.1), à Espanca, près de Castro Verde, à laquelle M. Lejeune a consacré une étude publiée en 19932, à la suite des travaux de J. Correa et J. de Hoz. Il propose d’appeler cette inscription le « lettrier d’ Espanca » parce qu’il y reconnaît -avec raison- un document pédagogique dans lequel un professeur trace un ligne de signes et demande à son élève de les recopier.

Il est bien connu qu’il y a des moyens qui sont très efficaces pour retenir une suite de chiffres ou de lettres.

Citons, pour les chiffres, l’exemple du nombre π dont on peut retenir les 31 premiers chiffres (en faisant toute réserve sur l’intérêt de connaître ce nombre de façon aussi précise) en se souvenant d’un poème qui commence par ces mots : « que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages…» En comptant les lettres de chaque mot, on obtient, pour π , la valeur : 3,1415926535. Il est bien certain que le procédé est très efficace. Qui retiendrait une telle suite de chiffres sans l’aide de ce poème ?

 

Pour apprendre à des élèves à reconnaître des signes d’écriture, on peut procéder de façon analogue en bâtissant une phrase que les élèves pourront retenir et qui guidera leur mémoire pour transcrire les signes.

C’est ce qu’à fait, il y a plus de vingt siècles, le professeur d’Espanca. Il a écrit une suite de 27 signes syllabiques et il les a placés dans un ordre tel qu’une phrase permette de les identifier.

Pour faciliter l’effort de mémoire, il a en outre donné à cette phrase un effet de répetition en multipliant les mots commençant par un A.

L’inscription se lit :

  (8)

 

Elle peut se déchiffrer comme suit :

ABEL ADIK ARTZAN HASLE EMEK URAT ASKO BERUGA NAHI IKAS    ASEGAITZ                                                                                                              (8d)

 

On a, d’après la signification des termes en basque, les concordances suivantes :

« ABEL » : « troupeau ». « ADIK », à rapprocher du verbe « ADI(TU) » qui signifie « entendre, saisir, comprendre ».

« ARTZAN », veut dire « berger », comme on l’a vu précédemment.

« (H)ASLE » : débutant, novice. « EMEK » : doucement, lentement, sous la forme « EMEKI ».

« URAT » est à rapprocher de : « URRATS » : « progrès ».

« BERUGA » correspond vraisemblablement au terme de basque moderne. « BOROGA(TU) » qui signifie : « éprouver ». « NAHI » : désir, volonté. « IKAS » : « IKAS(I) » veut dire « apprendre ». « ASEGAITZ » : « insatiable ».

 

Il reste à traduire le « lettrier d’Espanca » :

 

Le troupeau accompagne son berger. Les novices (en écriture) progressent lentement. Un certain nombre d’entre eux éprouvent un désir insatiable d’apprendre.

 

Précédente