Déchiffrement et traduction de l’inscription gréco-ibérique du revers de la tablette d’Alcoy.

Le texte de cette inscription a été lu dans le livre de J.Cejador 3, publié en 1929,  d’une part ; dans le corpus M.L.H. de J.Untermann4, d’autre part (la référence de l’inscription dans le corpus M.L.H. est G 1.1).

Pour la traduction du texte déchiffré, nous avons utilisé les ouvrages cités dans la bibliographie sous les références 5 à 9.

L’inscription étudiée comporte 5 lignes, numérotées de 1 à 5. Nous transcrivons d’abord les signes de chaque ligne, le déchiffrement suit avec la référence du n° de la ligne suivi de la lettre « d ». La traduction est ensuite proposée, avec la même référence suivie de la lettre « t ».

      (1)

Le déchiffrement syllabique des signes de l’inscription est effectué en se reportant au tableau de translittération placé à la suite du texte de la communication. On obtient ainsi pour la ligne (1) :

İHVAN SATIŞ : SALIH ŞAK : BASİR HATİR SAB(B)ARİ                                                 (1d)

Pour cette première ligne, nous avons relevé comme suit la signification des termes déchiffrés  (on notera des interversions entre les signes H et I ainsi que pour les sifflantes , , qui peuvent provenir de diverses causes : modification de la prononciation entre le turc ancien et la langue moderne, choix plus ou moins justifié du scripteur. En général, ces différences n’empêcheront pas l’identification des termes, sauf erreur de notre part).

Nous avons trouvé :

« İHVAN » : « amis » ; « SATIŞ » : « vente »  ;  « SALİH » : « droit, honnête, valable » ; « SAK » : « vigilant, éveillé » ; « BASIR HATIR » : « esprit sagace » ; 

« SABBAR » : « courageux ».

Il apparaît que le scripteur commence son message en indiquant qu’il se trouve en relations avec des amis commerçants dont il énumère les qualités pour bien montrer qu’il s’agit de partenaires dignes de confiance.

Nous proposons de traduire cette première ligne comme suit :

Des amis commerçants, honnêtes, vigilants, à l’esprit sagace, courageux, …                          (1t)

Nous traduisons ensuite la deuxième ligne :

     (2)

Que nous déchiffrons :

ADA(?) : BİŞ KANAR : GAV AHRAS : BO İŞ SATİN YAKİS ADİD                               (2d)

Les correspondances de vocabulaire sont :

« ADAP » : « bonnes manières commerciales » ; « BİŞ », variante archaïque de « BEŞ » : « 5 » ; « KANAAT » : « motif de satisfaction » ; « GAV » : « bœuf, bovin » ; « AHRAS », pluriel de « HARİS » : « garde, surveillant » ; « BO(DUK) » : jeune bovin » ; « İŞ SATI » : « affaire commerciale, transaction, vente » ; « YAKIS » : « satisfaisant, bien adapté, convenable » ; « ADİD » : « nombre, montant, total ».

Le scripteur poursuit, dans la deuxième ligne, l’éloge de ses relations. Il précise ensuite leur activité et indique quelle est l’opération commerciale envisagée.

Nous proposons la traduction suivante (qui est volontairement un peu vague pour éviter des précisions non assurées) :

…de bonnes manières. Ils s’occupent de bétail. L’affaire concerne une vente de jeunes bovins portant sur un total convenable.                                                                                                           (2t)

Nous en venons à la troisième ligne :

    (3)

Pour laquelle nous proposons le déchiffrement qui suit :

SI SAGIR SAD VARAN : SISAD IRK ADIDİN.                                                                (3d)

On a les correspondances de vocabulaire :

« SI » : « 3 » ; « SAGİR » : « jeunes bêtes » ; « SAD » : « 100 » ; « VARAN » : « ce qui fait » ; « SISAD » : « 300 » ; « IRKMEK » ; « rassembler » ; « ADİD » : « total » (voir  ligne 2).

Le scripteur expose, à la ligne 3, l’arithmétique de l’opération d’une manière qui est particulièrement nette.

Nous traduisons :

Il y a 3 (lots) de 100 jeunes bêtes ce qui fait 300 ( bêtes ) à rassembler au total.                       (3t)

Nous transcrivons la quatrième ligne :

    (4)

Nous déchiffrons comme suit :

SI RAİ ÇALAK : NALAT İNAKI : Bİ DAVA ADIDİN : İHLA DAVA                           (4d)

Pour le vocabulaire, nous notons :

« SI » : « 3 » (voir ligne 3) ; « RAİ » : « berger, conducteur de troupeau » ; « ÇALAK » : « expérimenté » ; « NAL » : « fer à cheval » ; « AT » : « cheval » ; « İNAK » : archaïque, « digne de confiance » ; « BI » : « sans » ; « DAVA » : « affaire, problème » ; « ADİD » : « total » (voir lignes 2 et 3) ; « İHLA » : « agréable ».

Le scripteur énumère les moyens nécessaires pour traiter l’affaire. Il estime que la transaction est sans problème et agréable.

Nous proposons de traduire :

Il faut 3 bergers (conducteurs de troupeau) expérimentés, avec des chevaux ferrés, dignes de confiance ; pas de problème au total, affaire agréable.

Nous en venons, maintenant, à la cinquième et dernière ligne du message :

      (5)

On obtient après déchiffrement :

NA İRAI İVAI : BI ÇOR : SEBAK  ID(D)İA  RAYAN                                                                                   (5d)

Les correspondances de vocabulaire sont :

« NA » : « pas de, négation » ; « İRAE, İRAEİ » : « guide » ; « İVAZ » : « à titre onéreux » ; « ÇOR » : « maladie, éventuellement peste bovine » (voir réf. 8) ; « SEBAK » : « ce qui précède » ; « İDDİA » : « assertion, insistance » ; « RAYA » : « opinion ».

Le scripteur termine son message en indiquant une dépense et une difficulté qui peuvent être écartées ; il sollicite, enfin, l’avis de son correspondant sur ce qu’il vient de lui exprimer.

Nous proposons de traduire :

Pas de guide à rémunérer ; pas de maladie (peste bovine) ; sur ce qui précède, me communiquer ton opinion.       (5t)

Pour avoir une lecture plus aisée du message du revers de la tablette d’Alcoy, nous regroupons les traductions proposées, en nous permettant de nous écarter un peu du mot à mot et en espérant ne pas avoir commis de graves erreurs :

« Je suis en rapport avec des amis commerçants, honnêtes, vigilants, d’esprit sagace, courageux et de bonnes manières, ce qui fait cinq raisons de pouvoir travailler en confiance avec eux. Ils s’occupent de bovins. L’affaire proposée concerne de jeunes bovins pour un nombre satisfaisant. Il faut prévoir trois lots de cent jeunes bêtes chacun ce qui conduit à rassembler, au total, trois cents bêtes. Nous avons besoin de trois conducteurs de troupeau, expérimentés, avec des chevaux ferrés, dignes de confiance. L’affaire est sans problème et agréable. Il n’y a pas de guide à rémunérer ; pas de maladie de bétail (à redouter). Tu me donnes ton avis sur ce qui précède. »